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Appel à communicationInégalités scolaires et professionnelles : nouveaux regards
Dans le débat public comme dans la recherche, la question des inégalités dans le système éducatif, dans l’accès au marché du travail et dans l’emploi demeure centrale. L’origine sociale, le genre et la trajectoire migratoire notamment, restent des marqueurs de différenciation des parcours individuels, de discrimination et de ségrégation dans l’espace scolaire et professionnel. Comme rappelé régulièrement par les résultats de l’enquête PISA, le système éducatif français continue d’être l’un des plus inégalitaires parmi les pays de l’OCDE. Loin d’atténuer les disparités de réussite scolaire, le système éducatif français produit et reproduit des inégalités (Felouzis, 2020). Dans ce processus, la dimension longitudinale apparaît prépondérante, les inégalités scolaires n’étant plus uniquement « la conséquence directe des inégalités sociales » mais plus largement une « production continue et un effet d’agrégation de petites inégalités » (Dubet, 2019). Les différentes vagues de démocratisation et de massification de l’enseignement en France cumulées depuis plusieurs décennies n’ont pas fondamentalement changé la donne, en témoigne le relatif échec des dispositifs récents d’ouverture sociale des grandes écoles (Bonneau et al., 2022). Comme le montrent les rapports récents publiés par France Stratégie (Dherbécourt et Flamand, 2023), l’origine sociale de classe demeure la dimension première de construction des inégalités scolaires qui conduisent à la ségrégation dans l’accès aux diplômes et aux qualifications, puis aux inégalités d’entrée sur le marché du travail. Au-delà de la scolarité et de l’insertion, l’origine sociale continue d’exercer une influence dans la suite des trajectoires individuelles. Les travaux récents du Céreq l’illustrent : à niveau de diplôme égal, l’origine sociale produit encore des inégalités en termes d’insertion professionnelle, les emplois les plus valorisés et les mieux rémunérés allant davantage aux plus favorisés socialement (Robert et Akkouh, 2024 ; Dabet, Epiphane et Personnaz, 2024). Si l’effet de l’origine sociale perdure, les inégalités de genre quant à elles, en termes d’orientation (Duru-Bellat, 2024), de réussite universitaire (Vallet-Giannini et Morlaix, 2024) ainsi que sur le marché du travail (Di Paola, Epiphane et Del Amo, 2023) persistent également. En ce qui concerne l’origine migratoire enfin, les inégalités de trajectoires professionnelles en fonction du lien personnel et familial à la migration retranscrivent les discriminations multiples - résidentielles, juridiques, religieuses et raciales notamment – que subissent les immigré∙es et enfants d’immigré∙es du Maghreb et d’Afrique subsaharienne notamment (Brinbaum, 2023 ; Jugnot, 2023). Face à ces constats toujours actuels, cet appel à communications vise à explorer et à approfondir, dans une approche pluridisciplinaire et renouvelée, cette thématique des inégalités scolaires et professionnelles. Comment se forment et s'agrègent les inégalités tout au long des parcours scolaires et professionnels ? Comment mesurer et analyser les effets croisés des différentes formes d’inégalités ? Quelles nouvelles formes d'inégalités émergent dans le contexte éducatif et professionnel actuel ? Les opportunités offertes par l’approche longitudinale invitent plus particulièrement à questionner et à décortiquer cette sédimentation des inégalités, à la fois causes et conséquences, au sein des trajectoires scolaires et professionnelles. Cette trentième édition des Journées du longitudinal constitue dès lors une occasion privilégiée d’apporter de nouveaux regards sur ces phénomènes sociaux, en axant notamment la réflexion sur les sources et les effets de ces inégalités, sur les méthodologies employées pour les appréhender et sur les parcours et trajectoires qui les illustrent ou les confrontent.
Les contributions attendues pour ces 30es journées pourront s’articuler autour de 3 axes. Axe 1. Quand les inégalités se cumulent, se croisent et s’articulentLes inégalités qui jalonnent les parcours scolaires et professionnels des individus ont fait l’objet de nombreux travaux, majoritairement focalisés sur une seule dimension comme le genre (Di Paola, Epiphane et Del Amo, 2023), l’origine migratoire (Jugnot, 2023), la localisation géographique (Gerardin et Premil 2023) ou encore l’origine sociale (Dabet, Epiphane et Personnaz, 2024). Si de nombreux travaux adoptent régulièrement une approche multifactorielle, voire intersectionnelle, la compréhension du cumul et de l’articulation de ces inégalités (Crenshaw, 1989 ; Kergoat, 1978) reste un champ de recherche à approfondir. Ce premier axe vise ainsi à rassembler des contributions qui tendent à éclaircir le lien qu’entretiennent ces sources d’inégalités entre elles, en adoptant une approche longitudinale. Les contributions pourront explorer plusieurs aspects de cette problématique. Tout d'abord, elles pourront s'attacher à caractériser la nature des liens entre les différentes sources d'inégalités, en examinant par exemple si ces effets sont cumulatifs ou s'ils interagissent d'une autre manière. Le questionnement pourra porter sur des situations de cumul des handicaps, mais aussi sur des positions privilégiées à plusieurs titres ou plus ambigües, à la fois dominantes et dominées, selon la dimension considérée. Ensuite, il sera pertinent d'analyser la stabilité ou l'évolution de ces effets au fil des trajectoires scolaires et professionnelles des individus. L’identification des facteurs susceptibles d'atténuer ou au contraire d’accroître ces inégalités, tels que les politiques publiques mises en œuvre, le développement de la formation continue ou encore le rôle des institutions et des acteurs (enseignants, intermédiaires sur les marchés du travail, conseillers, etc.) par exemple, pourrait également être étudiée. Ces recherches pourront porter sur l’étude des dimensions à la fois objectives, comme la réussite scolaire ou les trajectoires professionnelles, et subjectives telles que les attentes, les aspirations ou encore les ambitions professionnelles. Enfin, les comparaisons internationales des systèmes de relation formation-emploi et de leur impact sur les inégalités et leurs éventuelles articulations seront les bienvenues, pour enrichir la réflexion et offrir une compréhension plus large des dynamiques à l'œuvre dans différents contextes nationaux.
Axe 2. Quelles approches, méthodes et données pour appréhender et mesurer les inégalités ?Ce 2e axe de recherche vise à explorer et à développer les approches méthodologiques et conceptuelles permettant une compréhension plus fine et nuancée des inégalités dans les parcours éducatifs et professionnels. Nous encourageons ainsi les soumissions portant sur l’apport de méthodologies visant à capturer la complexité des inégalités et leur articulation (méthodologie mixte, triangulation des données, etc.), ou la mesure de leurs effets (méthodes de décompositions des inégalités, régressions par quantile, méthodes multiniveaux, etc.). Les contributions pourront proposer des réflexions critiques sur la pertinence des indicateurs existants et présenter de nouvelles approches, à l'image de la récente nomenclature PCS des ménages qui prend mieux en compte la multiplicité des ressources (Amossé et Cayouette-Remblière, 2022). L'analyse de l'impact des choix d'indicateurs sur la compréhension des inégalités pourra également être menée. De plus, les enjeux de la comparabilité pourront être explorés à travers l'examen des méthodologies permettant de comparer les inégalités dans le temps et entre cohortes, ou d’explorer la complémentarité et les tensions entre les mesures objectives et subjectives des inégalités (Duvoux, 2024), ainsi que les interactions entre variables contextuelles et individuelles. Enfin, les contributions pourront porter sur l’intérêt et les défis liés à la mobilisation d’autres variables que celles fréquemment utilisées, telles que le genre, l’origine sociale ou encore le lien à la migration. Par exemple, et de manière non exhaustive, l’étude des inégalités peut s’étendre aux questions du handicap, de l’âge, du lieu de résidence, du territoire (rural, urbain), de la sexualité, des assignations racialisantes (Mazouz, 2020) non réductibles à un lien à la migration, de la participation politique ou encore de la pratique religieuse. Les contributions pourront ainsi prendre la forme d'études empiriques, de réflexions théoriques ou de propositions méthodologiques innovantes.
Axe 3. Des parcours « improbables » et des trajectoires « atypiques » qui transcendent et bousculent les inégalitésCe 3e axe de recherche invite à explorer les trajectoires éducatives et professionnelles qui défient les tendances statistiques dominantes, autrement dit les parcours statistiquement « improbables » ou inattendus. Dans la lignée des travaux initiés par Bernard Lahire (1995) à propos de la réussite scolaire d'enfants de milieux populaires, les contributions pourront porter sur les parcours qui sortent des régularités statistiques (Mercklé, 2005). Ainsi en est-il, par exemple, des élèves de milieux favorisés « en échec scolaire » au collège (Henri-Panabière, 2010) ou des enfants de classes populaires et/ou de familles immigrées remarquables par leurs mobilisations familiales en faveur de leur réussite (Brinbaum et Delcroix, 2016). Il en est de même des titulaires de baccalauréats professionnels qui entrent dans les filières longues de l'université où elles et ils sont peu attendu∙es, ou encore en classe préparatoire ou en STAPS (Danner, Guégnard et Erard, 2023). Au sein même des fratries se jouent des inégalités de réussite scolaire qui viennent souligner l'intérêt d'approcher les formes d'investissements éducatifs originaux, variables au sein même des familles (Henri-Panabière, 2018). La mobilisation d’autres capitaux (compétences psychosociales, capital sportif, etc.) pour compenser les inégalités dans les parcours d’orientation et d’insertion constitue une entrée en vue d’illustrer des phénomènes de bifurcations scolaires et professionnelles. Selon une approche longitudinale, se focaliser sur ce que sont devenu∙es des filles et garçons dont l'orientation scolaire est atypique (Couppié et Epiphane, 2017) permet de souligner que « c’est donc bien dans le temps que s’élaborent les différences de parcours masculins et féminins, et l’étude comparative de l’entrée dans la vie active des jeunes hommes et des jeunes femmes suppose d’appréhender les différents moments où se jouent les “destins sexués” des unes et des autres » (Couppié et Epiphane, 2006, p. 12). Les étudiantes en STAPS le montrent bien (Erard et Guégnard, 2018), tout comme le « déclassement ordinaire » des femmes immigrées diplômées du supérieur (Vallot, 2024). Les contributions attendues viseront ainsi à enrichir la compréhension des mécanismes qui expliquent que certains parcours s’écartent des régularités statistiques mesurées précédemment par les sciences sociales. Seront donc encouragées les communications portant sur des ascensions sociales inattendues (Jaquet, 2014) ou, à l’inverse, sur des mobilités descendantes survenues malgré la possession de ressources. Ces questionnements invitent ainsi à la pluridisciplinarité en mobilisant, par exemple et de manière non exhaustive, les approches en sociologie, économie, sciences de l’éducation et de la formation, sciences politiques, histoire ou encore démographie. Au-delà de ces trois axes, les JDL restent ouvertes aux réflexions méthodologiques pour saisir des parcours dans le cadre de la relation formation emploi. Les communications basées sur des comparaisons internationales seront également appréciées.
Informations pratiques
SOUMISSION DES PROPOSITIONS Les propositions de communication sont à adresser avant le 2 décembre 2024 sous la forme d’un texte de 5 000 signes maximum. La proposition devra mentionner l’axe choisi parmi ceux proposés, la problématique, la méthodologie, les données ou matériaux exploités, les résultats attendus et quelques références bibliographiques. Le texte sera précédé du titre de la communication, du nom du ou des auteurs et autrices ainsi que leurs coordonnées (prénom, nom, appartenance institutionnelle, e-mail, adresse postale, téléphone). Les propositions seront à déposer sur : https://jdl2025.sciencesconf.org Le comité scientifique sera chargé d'évaluer les propositions. Si votre proposition est retenue, un texte finalisé sera attendu pour le 03 mars 2025. Il sera publié dans les actes du colloque dans la collection Céreq Échanges. Cela nécessite un calendrier serré et des consignes éditoriales qui devront être respectées afin de pouvoir diffuser ces actes en amont du colloque. La publication Céreq Échanges est désormais accessible sur OpenEdition. En transmettant leur texte, les auteurs et autrices acceptent cette diffusion.
CALENDRIER
Nous avons hâte de vous accueillir aux 30es Journées du Longitudinal pour des discussions approfondies, des échanges fructueux et une exploration riche du rôle des données longitudinales autour de ce thème des inégalités scolaires et professionnelles. Votre participation est cruciale pour faire de cet événement un succès. Pour toute information complémentaire, veuillez nous contacter à [jdl2025@u-bourgogne.fr].
BibliographieAmossé, T., & Cayouette-Remblière, J. (2022). Nouvelle nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles : enjeux et perspectives. Revue Française de Sociologie, 63(2), 231-258. Bonneau, C., Charousset, P., Grenet, J., & Thebault, G. (2022). Grandes écoles : des politiques « d’ouverture sociale » en échec. Éducation & formations, 103, 156-174. Brinbaum, Y. (2023). Trajectoires d’insertion professionnelle des descendants d’immigrés et expériences de discrimination. Céreq Working paper, 22. Brinbaum, Y., & Delcroix, C. (2016). La mobilisation familiale et la réussite scolaire des enfants de l'immigration. Revue Européenne des Migrations Internationales, 32(3), 101-124. Couppié T., & Epiphane D. (2017). « Les jeunes hommes dans les professions très féminisées : quelles destinées professionnelles ? », in Rendement éducatif, Parcours et Inégalités dans l’insertion des jeunes, Céreq Échanges, pp. 351-366. Couppié, T., & Epiphane, D. (2006). La ségrégation des hommes et des femmes dans les métiers : entre héritage scolaire et construction sur le marché du travail. Formation emploi, 93, 11-27. Crenshaw, K. (1989). Demarginalizing the Intersection of Race and Sex: A Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory and Antiracist Politics. University of Chicago Legal Forum, 8, 139-168. Dabet, G., Epiphane, D., & Personnaz, E. (2024). Origine sociale, diplôme et insertion : la force des liens. Céreq Bref, 452. Danner, M., Guégnard, C., & Erard, C. (2023). L’enseignement supérieur long : une stratégie pour des bacheliers professionnels ? Éducation & formations, 105, 47-66. Dherbécourt, C., & Flamand, J. (2023). Inégalité des chances : ce qui compte le plus. La note d'analyse de France Stratégie, 120(5), 1-16. Di Paola, V., Epiphane, D., & Del Amo, J. (2023). Inégalités de genre en début de vie active, un bilan décourageant. Céreq Bref, 442. Dubet, F. (2019). Inégalités scolaires : structures, processus et modèles de justice. Revue européenne des sciences sociales, 57(2), 111-136. Duru-Bellat, M. (2024). Réussite et choix scolaires des jeunes : l’impact des modèles de genre. Après-demain, 1, 72-74. Duvoux, N. (2024). Les Inégalités sociales, Que sais-je ? Paris : Presses Universitaires de France. Erard, C., & Guégnard, C. (2018). (In)fortunes professionnelles des femmes à la sortie d’une filière universitaire masculine, les STAPS. Formation Emploi. Revue française de sciences sociales, 142, 79-98. Felouzis, G. (2020). Les inégalités scolaires. Paris : Presses Universitaires de France. Gerardin, M., & Pramil, J. (2023). En 15 ans, les disparités entre quartiers, mesurées selon le revenu, se sont accentuées dans la plupart des grandes villes. Insee analyses, 79. Henri-Panabière, P. (2018). Frères et sœurs dans les parcours scolaires : logiques familiales et inégalités de réussite. Revue Française de Pédagogie, 203, 87-102. Jaquet, C. (2014). Les transclasses, ou la non-reproduction. Paris : Presses Universitaires de France. Jugnot, S. (2023). L’accès à l’emploi des immigrés et enfants d’immigrés de la Génération 2017. Céreq Bref, 434. Kergoat, D. (1978). Ouvriers = ouvrières ? Propositions pour une articulation théorique des deux variables : sexe et classes sociales. Critiques de l’économie politique, 5, 65-97. Mazouz, S. (2020). Race. Paris : Anamosa. Mercklé, P. (2005). Une sociologie des 'irrégularités' sociales est-elle possible ? Idées, la revue des sciences économiques et sociales, 142, 22- 29. Lahire, B. (1995). Tableaux de familles. Heurs et malheurs scolaires en milieux populaires. Paris : Seuil/Gallimard. Robert, A., & Akkouh, S. (2024). Les diplômés de master universitaire ont-ils tous les mêmes débuts de vie active ? Céreq Bref, 456. Vallet-Giannini, F., & Morlaix, S. (2024). Course choice at the Baccalauréat and ranking on Parcoursup: what relationship with academic achievement in the first year of higher education? L'Orientation scolaire et professionnelle, 53(1), 25-52. Vallot, P. (2024). « Petites mains », mais grandes études. Le déclassement ordinaire des femmes immigrées en France. Formation Emploi, à paraître.
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